Sortir de l’indivision après une succession : guide complet (mise à jour 2025)
Lorsqu’une succession laisse un bien immobilier en indivision, la situation peut rapidement devenir source de conflits et de dépréciation patrimoniale. Ce guide explique, en 2025, toutes les voies possibles pour sortir de l’indivision — amiable, notariale et judiciaire — et détaille la procédure « 2/3 » (notaire + juge). Il intègre aussi l’état d’avancement de la réforme adoptée par l’Assemblée nationale le 6 mars 2025, qui prévoit d’assouplir certaines règles (majorité simple) et qui est aujourd’hui en attente d’examen par le Sénat.
1. Principes légaux essentiels (Code civil)
« Nul n’est tenu à demeurer dans l’indivision »
L’article 815 du Code civil consacre un principe clair : « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué ». Cela signifie que tout indivisaire peut demander la fin de l’indivision (sauf sursis prévu par convention ou jugement).
Majorité des deux tiers pour les actes d’administration
L’article 815-3 précise que les indivisaires titulaires d’au moins deux-tiers des droits indivis peuvent prendre, à cette majorité, des décisions d’administration (travaux d’entretien, mandats d’administration, vente de meubles pour payer des dettes, certains baux, etc.). Cela permet d’éviter l’immobilisme pour la gestion courante du bien.
Quand la vente d’un immeuble nécessite le juge
La vente d’un immeuble est un acte de disposition ; elle requiert normalement l’accord de tous les indivisaires. Toutefois, l’article 815-5 et surtout l’article 815-5-1 donnent au juge (tribunal judiciaire) le pouvoir d’autoriser l’aliénation d’un bien indivis si celle-ci n’entraîne pas une atteinte excessive aux droits des minoritaires — la mise en vente peut alors se faire par licitation et sous contrôle judiciaire.
2. La procédure « deux-tiers » (notaire → tribunal) — comment ça marche ?
La procédure usuelle lorsqu’un indivisaire bloque la vente mais que les autres détiennent ensemble au moins les deux-tiers des droits reprend trois étapes principales :
Constat et notification par le notaire
Les indivisaires majoritaires sollicitent le notaire ; celui-ci constate le désaccord et notifie formellement les indivisaires opposants, en les informant de l’intention de procéder.Procès-verbal de difficultés
Si le blocage persiste (réponse négative ou absence de réponse dans le délai prévu), le notaire établit un procès-verbal de difficultés. Ce document est la base procédurale permettant de saisir le juge.Saisine du tribunal judiciaire
Les indivisaires majoritaires saisissent le tribunal judiciaire ; le juge vérifie l’équilibre des intérêts (impact sur les minoritaires, motivations du blocage, état du bien, charges accumulées) et peut autoriser la vente malgré l’opposition d’une minorité si l’intérêt commun l’exige. La vente est alors ordonnée ou la licitation organisée. En pratique : la procédure protège les minoritaires (contrôle judiciaire) tout en débloquant une situation qui, sinon, conduirait souvent à la vacance ou à la dégradation du bien.
3. Nouveauté législative : la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale (6 mars 2025)
Le Parlement a examiné une proposition de loi destinée à simplifier la sortie de l’indivision successorale. L’Assemblée nationale a adopté le texte en première lecture le 6 mars 2025. Le texte contient plusieurs mesures visant à accélérer les sorties d’indivision (création d’une base de données des biens abandonnés, simplification des procédures, facilitation de la décision collective) et prévoit, dans sa teneur adoptée, certaines possibilités de décision à la majorité simple pour certaines opérations encadrées. Le texte est désormais transmis au Sénat pour examen.
Ce que cela change — et ce qui reste à confirmer
Ce qui est prévu dans la version adoptée à l’Assemblée : allégement de certaines majorités (prévision d’un recours à la majorité simple dans des cas strictement encadrés), mesures pour lutter contre les logements vacants et accélérer les partages judiciaires.
Ce qui n’est pas encore définitif : la réforme n’est pas encore une loi pleinement applicable — elle doit être débattue et votée par le Sénat, puis éventuellement renvoyée à l’Assemblée et promulguée. En l’état (mi-2025), on doit donc continuer à appliquer le régime légal en vigueur (articles 815 et suivants) jusqu’à promulgation.
Exemple concret (2 frères + père) — application pratique
Situation : père (Pierre) + deux fils (Antoine et Bruno) héritent d’une maison. Pierre et Antoine veulent vendre ; Bruno s’oppose.
Voies à suivre (ordre conseillé)
Tentative amiable : proposition de rachat de parts, partage amiable, convention d’indivision — solution la plus rapide et la moins coûteuse.
Procédure notariale « deux-tiers » + judiciaire : si Pierre et Antoine possèdent ensemble 2/3 des droits (par exemple 2/3 en valeur), le notaire peut constater le désaccord, dresser le procès-verbal de difficultés, et permettre la saisine du tribunal pour demander l’autorisation de vendre (art. 815-5-1).
Si la réforme de 2025 est définitivement adoptée : la possibilité d’une décision à majorité simple pourrait, pour certains cas encadrés par la loi, permettre une sortie plus rapide sans devoir systématiquement passer par l’étape judiciaire — mais cela dépendra du texte définitif adopté par le Sénat et promulgué.
4. Pourquoi agir vite : risques pratiques et financiers d’une indivision prolongée
Ne pas agir expose les indivisaires à plusieurs risques concrets :
Humidité et moisissures : un logement non chauffé ou mal ventilé se dégrade rapidement, entraînant dégâts sur les murs.
Perte de valeur : la dégradation réduit le prix de vente futur ; les travaux de remise en état peuvent couter très cher.
Frais récurrents : taxe foncière, charges de copropriété éventuelles, assurances, entretien minimal et parfois taxe d’habitation selon la situation. Ces charges pèsent sur l’ensemble des indivisaires.
Risque de squat / occupation illégale : un bien vacant peut être occupé ; les expulsions sont longues et coûteuses, et le bien peut subir des dégradations supplémentaires.
Ces éléments pèsent fortement devant le juge lorsqu’il apprécie l’intérêt commun et la nécessité d’autoriser une vente malgré l’opposition d’un ou plusieurs indivisaires.
5. Plan d’action recommandé (checklist)
Estimation professionnelle du bien par un agent immobilier.
Consultation notariale pour vérifier les quotes-parts et la possibilité d’une procédure 2/3.
Proposition écrite de rachat ou de vente amiable (par notaire).
Procédure notariale : constatation du désaccord + procès-verbal de difficultés si nécessaire.
Saisine du tribunal judiciaire (si blocage persistant).
Suivi de l’évolution législative 2025 : si la proposition de loi définitivement adoptée, adapter la stratégie (possibilités de majorité simple pour certains cas).
Conclusion — que retenir ?
Le droit (articles 815, 815-3 et 815-5-1) permet aujourd’hui déjà de débloquer une indivision lorsque la majorité des deux-tiers est réunie, par une procédure notariale suivie d’un contrôle judiciaire.
Une proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale le 6 mars 2025 vise à assouplir certaines règles (prévoir, dans certaines hypothèses, une majorité simple) et à lutter contre les logements vacants ; le texte est en attente d’examen au Sénat. Tant que la loi n’est pas promulguée, on applique les règles actuelles.
Agir rapidement — amiablement si possible, judiciairement si nécessaire — protège au mieux la valeur du bien et les intérêts de tous les héritiers.
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